CSSS-23.10.2000

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Accident du travail
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Chauffeur professionnel  | Accident de la route  | Travail sous influence d'alcool  | Taux d'alcool sanguin  | Etat de fatigue  | Diminution des facultés de réaction  | Conditions de travail  | Création unilatérale d'un risque dépassant de loin le risque normal de l'entreprise  | Preuve d'une cause étrangère au trajet professionnel assuré

Référence

  • CSSS-23.10.2000
  • Aff.S. c/ AAI
  • No du reg. 2000/0060
  • No 2000/0127
  • U199720651

Base légale

  • Art0092-al01-CSS

Sommaire

C'est à bon droit partant que les premiers juges ont retenu qu'en décidant de conduire dans ces conditions, le chauffeur a créé unilatéralement un risque qui dépassait de loin le risque normal de l'entreprise, l'accident ayant trouvé sa cause non pas dans un risque inhérent au trajet effectué ou au moyen de transport, mais dans des facteurs personnels du chauffeur, relevant de son comportement hautement dangereux consistant dans le fait d'avoir sciemment accepté un risque anormalement élevé.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No du reg :2000/0060
No 2000/0127

AUDIENCE PUBLIQUE DU CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES

du 23 octobre deux mille

Composition:  
M. Georges Santer, 1er conseiller à la Cour d'appel, président ff.
M. Julien Lucas, 1er conseiller à la Cour d'appel assesseur-magistrat
Mme. Eliane Eicher, conseiller à la Cour d'appel assesseur-magistrat
M. Paul Emering, directeur adjoint, Junglinster assesseur-employeur
Mme.Jeanny Burg-Melde, ouvrière de l'Etat , assesseur-salarié
M. Francesco Spagnolo secrétaire

ENTRE:

S., né le ..., demeurant à ...,
appelant,
assisté de maître Guy Thomas, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg;

ET:

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,
intimée,
comparant par monsieur Louis Emringer, conseiller de direction adjoint, demeurant à Luxembourg.

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 5 juin 2000, S. a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 19 avril 2000 dans la cause pendante entre lui et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours non fondé et confirme la décision entreprise.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 9 octobre 2000, à laquelle monsieur Georges Santer, président ff., fit le rapport oral.

Maître Guy Thomas, pour l'appelant, conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 19 avril 2000 et à la prise en charge par l'Assurance-accidents-industrielle de l'accident du 14juin 1997.

Monsieur Louis Emringer, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 19 avril 2000.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit :

S., chauffeur professionnel au service de la firme Eurotrack S.A., a subi un accident de la route le 14 juin 1997 entre Besançon et Vesoul (France) au cours d'un déplacement professionnel, alors que conduisant un tracteur semi-remorque, il a quitté sa voie de circulation réglementaire pour venir sur la voie gauche heurter, au cours d'une collision frontale, un autre poids lourd venant en sens contraire.

Un taux d'alcool sanguin de 1,17%0 (première analyse) respectivement 1,15%0 (analyse de contrôle) a été relevé sur S. qui a d'ailleurs été condamné, entre autres, de ce chef par le tribunal correctionnel de Vesoul.

Par décision du 18 mars 1998, confirmée par la commission des rentes le 29 mars 1999, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a refusé la prise en charge de l'accident litigieux, retenant qu'il ressort du procès-verbal dressé en cause que l'accident n'a pas trouvé sa cause dans un risque inhérent au travail, mais est dû à une consommation élevée d'alcool, et que partant il n'existe pas de relation causale directe entre l'activité professionnelle effectuée et l'accident en question.

Statuant sur le recours introduit par S. contre la décision de la commission des rentes, le Conseil arbitral des assurances sociales, considérant que l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a rapporté à suffisance de droit la preuve que l'accident a une origine étrangère au trajet professionnel effectué par la victime, a par jugement du 19 avril 2000 déclaré le recours non fondé et confirmé la décision entreprise.

L'appel relevé de ce jugement par S. dans les forme et délai de la loi est recevable,

S. conclut, par réformation, à voir dire que l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, est tenue de prendre en charge l'accident professionnel du 14 juin 1997.

Compte tenu du principe qui présume que tout accident qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail est un accident de travail, sauf à l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, de rapporter la preuve que l'atteinte est due à une cause étrangère à l'emploi assuré, S. fait valoir que l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, n'a pas réussi à rapporter la preuve que les lésions subies ont eu une origine totalement étrangère au travail et à renverser ainsi la présomption d'imputabilité pesant sur elle.

Il estime qu'il n'a commis aucune faute intentionnelle, seule susceptible aux termes de l'article 114 du Code des assurances sociales d'exclure son indemnisation.

Le taux d'alcoolémie relevé après l'accident n'est pas contesté

Il résulte par ailleurs des déclarations faites par l'assuré qu'il a pris la route vers 5 heures du matin, l'accident s'étant produit vers 7 heures du matin.

Il est encore constant que S. a arrêté de conduire la veille (13 juin 1997) à 18,05 heures, de sorte qu'il bénéficiait d'une pause de plus ou moins 11 heures pour se reposer et pour récupérer après les efforts de la journée de travail précédente.

Dans la mesure où l'appelant déclare ne pas avoir consommé de boissons alcooliques immédiatement avant de prendre le départ le matin du 14 juin 1997, il faut admettre que cette consommation a été faite soit au début de sa pause, soit au cours de la soirée voire même de la nuit.

Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, il est évident que le taux d'alcoolémie initial était bien plus élevé, fait qui ne pouvait être ignoré d'un chauffeur professionnel tout comme ce dernier ne pouvait ignorer qu'un état de fatigue élevé et une diminution de ses facultés de réaction devraient en être la conséquence inévitable.

Les développements faits par l'appelant relativement aux conditions de travail déplorables des chauffeurs routiers en général et à son agenda de travail excessivement rempli les jours précédant son accident en particulier ne sauraient constituer une excuse dans son chef, dès lors qu'il est établi que S. n'a pas mis à profit une pause prolongée de presque 11 heures pour se reposer tout en veillant à rester sobre.

C'est à bon droit partant que les premiers juges ont retenu qu'en décidant de conduire dans ces conditions, le chauffeur a créé unilatéralement un risque qui dépassait de loin le risque normal de l'entreprise, l'accident ayant trouvé sa cause non pas dans un risque inhérent au trajet effectué ou au moyen de transport, mais dans des facteurs personnels du chauffeur, relevant de son comportement hautement dangereux consistant dans le fait d'avoir sciemment accepté un risque anormalement élevé.

Le jugement est donc à confirmer en ce qu'il a retenu que l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a rapporté à suffisance de droit la preuve que l'accident a une origine étrangère au trajet professionnel effectué par la victime, la responsabilité dudit organisme ne pouvant dès lors être engagée au titre de la législation concernant les accidents de travail.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur des assurances sociales,

statuant sur le rapport oral de son président-magistrat et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,

reçoit l'appel,

le déclare non fondé,

confirme le jugement du 19 avril 2000.

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 23 octobre 2000 par le Président du siège, Monsieur Georges Santer, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.
Le Président ff, signé: Santer Le Secrétaire, signé: Spagnolo

 

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